Inaptitude : la lettre de licenciement doit obligatoirement mentionner l’impossibilité de reclassement !

Le constat d’une inaptitude du salarié par le médecin du travail à occuper son poste peut mener à un reclassement, ou, lorsque celui-ci est impossible, à un licenciement. Dans un arrêt du 3 juin 2020, la Cour de cassation est venue préciser que l’impossibilité de reclassement doit être expressément notifiée dans le courrier de licenciement : à défaut, il est sans cause réelle et sérieuse.

Les faits : un salarié avait été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail. L’employeur lui avait alors proposé un poste de reclassement, que le salarié n’avait pas accepté. Suite à ce refus, le salarié avait été licencié pour inaptitude. Celui-ci a alors saisi les instances prud’homales afin de contester son licenciement, reprochant l’absence dans le courrier d’une mention faisant état de l’impossibilité de le reclasser.

La question posée à la Cour de cassation : le courrier de licenciement doit-il expressément mentionner l’impossibilité de reclassement du salarié dans l’entreprise ?

La Cour de cassation répond ici par l’affirmative.

En l’espèce, l’employeur arguait du fait que le courrier mentionnait que suite à l’avis du médecin du travail, les possibilités de reclassement avaient été examinées, qu’un poste avait été proposé mais n’avait pas reçu l’agrément du salarié et que dans ces conditions, l’employeur était contraint de procéder à la rupture du contrat de travail. Cela n’est pas suffisant pour la Cour de cassation, qui considère que le courrier doit expressément mentionner l’impossibilité de reclassement, ce qui n’était pas le cas ici. L’impossibilité de reclassement ne peut donc pas se déduire du seul fait que le salarié ait refusé un poste.

Pour rappel, le licenciement du salarié inapte n’est possible que dans un des 3 cas suivants1 :

  • aucun poste ne correspondant aux préconisations du médecin du travail n’est disponible dans la structure ;
  • le salarié refuse la proposition de reclassement ;
  • l’employeur est dispensé de rechercher un reclassement car l’avis d’inaptitude mentionne que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé  » ou que « son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi  ».

De manière générale, le code du travail2 dispose que l’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs de la rupture dans la lettre de licenciement. La Cour de cassation avait déjà précisé, par le passé, que la lettre de rupture doit indiquer à la fois l’inaptitude, mais aussi l’impossibilité de reclassement du salariépour l’un des motifs cités ci-dessus : dans l’arrêt du 3 juin 2020, elle réitère donc sa position.

Lorsque le courrier ne mentionne pas expressément l’impossibilité de reclassement, le licenciement se trouve alors, selon la Haute Cour, sans cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire que le motif à l’origine du licenciement est invalidé par le juge. Si un salarié est licencié sans cause réelle et sérieuse, le juge octroie à celui-ci une indemnité à la charge de l’employeur qui varie selon l’ancienneté du salarié et l’effectif de l’entreprise. Vous pouvez retrouver plus d’information sur l’application du barème des indemnités prud’homales dans notre newsletter du 23 juillet 2019 . La réintégration du salarié peut également être proposée par le juge, si le salarié a au moins 2 ans d’ancienneté, que l’effectif de la structure est d’au moins 11 salariés et que ni l’employeur ni le salarié ne s’y opposent.

Il convient donc d’être extrêmement vigilant lors de la rédaction du courrier de licenciement pour inaptitude, afin d’éviter une requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de contentieux, notamment en mentionnant expressément l’impossibilité de reclassement. Depuis le 1er janvier 2018, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement pour motif personnel ou économique peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative (dans un délai de 15 jours suite à la notification du licenciement), soit à la demande du salarié4. Ainsi, en cas d’oubli de la mention relative à l’impossibilité de reclassement dans le courrier de licenciement, l’employeur dispose d’un délai supplémentaire afin de régulariser la situation.

Vous pouvez retrouver sur les liens suivants notre fiche pratique relative à l’inaptitude pour plus de renseignements (Rubrique XII du Guide pratique de l’employeur) ainsi que notre modèle de courrier de licenciement pour inaptitude (Rubrique IV).

Le service juridique-RH reste à votre disposition pour tout complément d’information.

Cass. Soc. 3 juin 2020, n°18-25.757  
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1 Articles L.1226-2-1 et L.1226-12 du code du travail  
2 Article L.1232-6 
3 Cass. Soc. 9 avril 2008, n°07-40.356 
4 Article L.1235-2 
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